Les derniers seront les premiers.

Homélie pour les vigiles du 20 septembre

« Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers »

Voici bien des paroles énigmatiques! Et qui plus est contraires à nos raisonnements habituels.

C'est Mathieu qui nous raconte cette parabole de Jésus pour nous faire comprendre le Royaume des cieux. Et la conclusion de cette parabole, ne nous éclaire pas plus (à première vue) sur cette histoire qui défie tout raisonnement économique.

En effet, comment peut-on donner le même salaire à ceux qui ont travaillé une heure et à ceux qui ont travaillé douze heures?

Oui mais voilà, cette parabole ne se place pas sur un plan économique et ce qui nous paraît injuste à vue humaine, doit être remis dans son contexte. Nous ne parlons pas ici de la justice humaine, mais de la justice de Dieu. Car Dieu est la justice même. « Le Seigneur est juste en toutes ses voies » nous dit le psalmiste. « La bonté du Seigneur est pour tous » nous dit-il encore.

Et Dieu ne fait pas de différences entre les hommes : Le même salut est promis à tous, le même amour est donné à tous, la même justice est rendue à tous.

Peut être pouvons-nous comprendre un peu mieux cette parabole en considérant notre démarche de ce jour?

Aujourd'hui, comme tous les ans à pareille date, nous avons marché pour la paix. Certains sont partis tôt du point le plus éloigné. Ils ont marché comme les ouvriers de la première heure en supportant le poids du jour, l'orage et la pluie.

D'autres ont rejoint le groupe deux heures plus tard, plus près du but à atteindre. D'autres enfin furent les ouvriers de la dernière heure et rejoignirent le groupe pour les derniers kilomètres. Et puis il y a les moniales, les moines et les visiteurs qui nous accompagne par la prière.

Toutes et tous, nous sommes là, ce soir, pour écouter la même Parole de Dieu, pour faire monter une même prière. Et nous savons que nous bénéficions du même amour du Père, lui qui fait lever le soleil sur tous.

Au cours de cette marche, nous avons expérimenté le message de paix du premier janvier du pape François : « La fraternité, fondement et route pour la paix. »

Frères et soeurs de la première et de la dernière heure, nous portons ce même message vers cette abbaye qui symbolise la paix. Chacun a pu commencer ce travail personnel de paix : « Il faut d'abord apprendre à pardonner ses défauts si l'on veut pardonner aux autres » dit Etty Hillesum

Et puis il y a cette expérience communautaire qui doit nous transformer en artisans de paix, en faiseur de paix comme le dit précisément le mot grec employé dans l'Evangile. Cette expérience communautaire, c'est celle de la fraternité à laquelle nous avons été invité au début de la marche par les paroles du pape François : « dans le coeur de chaque homme et de chaque femme habite en effet le désir d'une vie pleine à laquelle appartient une soif irrépressible de fraternité. »

Cet effort que nous avons fait aujourd'hui, chacun à la mesure de ses possibilités, c'est une réponse à un appel qui nous a été adressé. Le maître de la vigne nous a embauché et nous avons travaillé, nous avons fait des efforts, nous avons peiné pour certains.

Et maintenant nous recevons notre salaire, égal pour toutes et tous.

Alors allons plus loin, demandons au Seigneur de mettre dans le coeur de tous les hommes la même volonté de paix.

Ici en France, nous avons connu (surtout nos parents et nos aieux), de nombreuses guerres et en particulier une lutte fratricide avec nos voisins allemands. Aujourd'hui, en Europe occidentale,les armes se sont tues.

Puissions-nous être les ouvriers de la première heure et espérer que les pays qui sont encore en conflits, à l'est même de notre vieille Europe, en Afrique, au Proche et Moyen Orient soient les ouvriers de la troisième ou la sixième ou la onzième heure. Mais que eux aussi perçoivent la paix comme salaire.

« Ainsi les premiers seront derniers et les derniers seront premiers. »

Cette parole n'est pas une parole de condamnation, c'est une parole de libération. En marchant à la suite du Christ, quel que soit le moment de notre conversion, nous allons vers le Royaume des cieux. Notre Père nous attend, il nous accueille. Le psalmiste nous le dit : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour; la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses oeuvres ».

Amen.