Lavons-nous les pieds les uns aux autres

Homélie donnée lors de la célébration pénitentielle à Assise le 18 avril

C'est Toi, Seigneur, qui me laves les pieds ?

Comment le Maître, le Seigneur peut-il se mettre aux pieds de ses disciples et leur laver les pieds ? Nous aurions sans doute eu la même réaction si nous avions été à la place de Pierre !

Bien sûr aujourd'hui, nous comprenons plus facilement ce geste. Mais est-ce si évident ?

Jésus nous montre donc jusqu'où l'amour peut aller, jusqu'où il est allé, mais aussi jusqu'où nous devons aller !

Pour nous faire comprendre que l'amour de Dieu est sans limite, il se fait serviteur, diakonos en grec, diacre.

Mais lui, il est le Diacre avec un grand D, l'unique diacre qui nous appelle à la diaconie de l'Eglise.

La richesse de cette péricope mériterait plusieurs heures de commentaires ! Mais je n'ai pas le temps et je vais donc simplifier en prenant deux points.

Jésus se fait serviteur.

Jésus nous invite à nous faire serviteur.

Jésus se fait serviteur. Et le moment choisi n'est pas n'importe lequel ! « Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père ». Nous sommes à la veille de la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ. Il sait (vous avez noté : « sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père »). Il sait donc qu'il va mourir. Il livre en quelque sorte un testament. Jésus a déjà révélé beaucoup de choses à ses disciples. Dans ce même Evangile de Jean, il a déjà dit qu'il était la porte, qu'il était le chemin, la vérité et la vie... Il leur révèle maintenant que l'amour qu'il leur porte (et donc à nous aussi) peut aller jusqu'à donner sa vie : « il les aima jusqu'au bout ». Mais avant il leur donne une leçon, si je peux m'exprimer ainsi. Il fait ce que seuls les serviteurs font, il lave les pieds. Et les pieds, c'est ce qu'on a le plus de réticence à toucher : des pieds dans des sandales qui ont marché et sont pleins de la poussière du chemin.

Jésus dépose son vêtement et prend un linge qu'il se noue à la ceinture. En quelque sorte il se dépouille de sa seigneurie pour humblement se faire serviteur. Et serviteur au sens le plus humble car le mot employé au verset 16 : « un serviteur n'est pas plus grand que son maître » est le mot doulos et non pas diakonos, un mot à la connotation encore plus négative ou du moins plus restrictive.

Jésus, lui qui est Dieu, qui est l'alpha et l'oméga, se permet de se mettre aux pieds de ses disciples, de se mettre à nos pieds pour nous servir. Il le dit ainsi comme nous le rapporte Marc au chapitre 10 verset 45 : « Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir »

Jésus se fait serviteur.

Je me permets de sortir un peu du texte ici et de vous faire remarquer puisque nous sommes à Assise que St François a vraiment voulu suivre l'exemple de Jésus en se dépouillant pour se mettre aux services de ses frères.

Mais allons plus loin dans notre réflexion sur ce texte : Jésus nous invite à nous faire serviteurs.

« Si donc moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » Comme St François l'a bien compris, nous aussi nous devons passer le tablier du serviteur. Nous aussi nous devons nous mettre au service de nos frères.

Et laver les pieds de nos frères, qu'est-ce que cela veut dire ?

Nous pouvons certes laver (au premier degré) les pieds d'hommes et de femmes et c'est ce qui est signifié concrètement le jeudi saint avec le bel exemple que nous a encore donné cette année le pape François.

Mais laver les pieds de ses frères, c'est aussi servir ceux qui sont dans la détresse, ceux qui sont dans la souffrance, ceux qui sont oubliés.

Se laver les pieds les uns aux autres, c'est se mettre à la suite de Jésus, lui rendre gloire par les œuvres de miséricorde.

Jésus conclut dans la péricope de ce jour : « sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites. »

Je terminerai en insistant sur l'appel qui est fait à tous les baptisés de rendre active et vivante cette diaconie (autre nom pour parler du service), diaconie de l'Eglise car si quelques uns sont ordonnés diacres pour en être le signe, c'est bien tous que nous sommes appelés pour marcher sur le chemin tracé par l'unique Serviteur, l'unique Diacre avec un D majuscule, le Christ qui en donnant sa vie pour nous, nous a ouvert le chemin du salut. Lui qui comme le dit Paul dans l'hymne de la lettre aux Philippiens au chapitre 2 : « s'est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenu semblable aux hommes et reconnu homme à son aspect, il s'est abaissé devenant obéissant jusqu'à la mort et la mort de la croix. »

Frères et sœurs, lavons nous les pieds les uns aux autres. Nous y trouverons le chemin du salut.

Amen