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  le blog diacreauservicedelapaix

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Un diacre de l'Eglise catholique s'exprime sur la société, sur l'Eglise, sur la paix.


Le monde craque

Publié par Max sur 8 Septembre 2019, 19:58pm

Catégories : #société

Le monde craque

Je vous partage cette émouvante chronique de Fréderic Boyer in La Croix du 5 septembre

En écoutant le monde craquer cet été, les glaciers fondre et disparaître sous nos yeux, les grands arbres de la forêt brûler en Amazonie, ou les bateaux en Méditerranée sombrer régulièrement encore avec des centaines, des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes en détresse, au large de nos côtes, fuyant les guerres et la misère, les guerres qui tuent inlassablement en Syrie et au Yémen ; oui, en écoutant le monde 1 / 3 craquer et gémir, oh mes amis, je ne pouvais m’empêcher de penser à ce verset de l’Apocalypse que je cite à présent dans la traduction latine de la Vulgate (revisitée de temps en temps cet été ; eh oui, on a les occupations que l’on peut sous le soleil…) : « Ecce sto ad ostium et pulso » (Ap 3, 20). Littéralement en français : « Soudain (ecce qui marque en latin la surprise) je suis debout à la porte et je frappe. » De quelle porte parle-t-on ici ? C’est pour moi d’abord une formidable image de la résurrection : être debout après l’épreuve, relevé dans la poussière, se tenir droit face au monde qui souffre, qui grince. Ostium désigne une entrée, une porte comme un vestibule, et même l’embouchure d’un fleuve. Le latin traduit le grec thura qui est souvent dans les paraboles la porte ouverte à travers laquelle les brebis vont et viennent, voire le nom de celui qui apporte le salut à ceux qui le suivent. « La porte ouverte » indique l’occasion de faire quelque chose, d’agir. C’est aussi la porte du Royaume. On pourrait retraduire librement : « Et soudain je suis debout devant vous à l’entrée du monde et je pousse. » Pulso, en latin : frapper, battre, mais aussi pousser. Comme notre cœur qui bat (pulser, pulsation). Enfant, dans mon petit royaume nocturne, j’entendais déjà les portes craquer en me demandant quel voleur tentait de s’introduire chez nous. On frappait ou étaient-ce les pulsations de mon cœur effrayé que je prenais pour des coups cognés à la porte de ma chambre ? Des coups pour que j’ouvre la porte de mon cœur ? Oui, mes amis, toujours dans le même chapitre de l’Apocalypse, il est bien dit que le Sauveur « viendra comme un voleur, la nuit » (Ap 3, 3). Mais de quelle porte s’agit-il sinon de la porte de notre aveuglement, de notre surdité, la porte de notre monstrueuse indifférence. Notre devoir serait de nous relever de nos peurs et de nous tenir droits, prêts à agir, devant toutes les ouvertures du monde et de nos vies. Paul Claudel, dans une lettre du 24 août 1922 à Ch?zenji, un lac naturel du Japon, sur l’île Honsh?, au nord de Tokyo, parle de « cette porte perdue au fond de notre âme, cette porte marquée du Sang de l’Agneau », faisant référence aux portes des maisons, dans le livre de l’Exode, quand le souffle de la mort passe la nuit de pessah pour libérer les Hébreux de la terreur de Pharaon, et nous délivrer de notre propre peur d’être sauvés. Le monde craque de partout. Les coups sont frappés à toutes les portes de nos maisons silencieuses, âmes fermées, âmes mortes et abandonnées. Entendons-nous ? Une voix s’élève et demande : Il y a quelqu’un ? Nous risquons, mes amis, de rester seuls par cette nuit de tempête dans notre maison-Terre, notre demeure-Âme, solitaire et désolée, dont nous ne prenons plus soin. Cette forge désaffectée de notre cœur vivant, c’est celle de notre planète aussi, qui ne cesse de frapper dans le feu et les flammes. Oh c’est l’été qui bientôt s’achève. Mais le feu dévorant de l’indifférence couve et gagne du terrain. Je parle d’indifférence parce que je lis dans l’Apocalypse, dans le même chapitre toujours : « Je viendrai mettre une porte ouverte devant toi et que personne ne pourra fermer. » Nos portes doivent rester ouvertes. Nos embouchures accueillantes. Moi j’avais commencé l’été par la douceur d’une union, d’une ouverture franche et 2 / 3 claire, le mariage d’une de mes quatre filles. J’ai dû dire quelques mots et je savais que je devais parler aussi des blessures secrètes, plus ou moins avouées, qui sont aussi les pierres de toute famille bâtie dans les aléas de l’existence humaine, mes amis. Et je me suis souvenu d’un vieux poème sioux. Un père consolait ainsi sa fille qui entendait les loups hurler dans la plaine. Il disait je t’ai déjà parlé des loups. Chaque loup qui hurle est un absent de la famille. Une injustice, une peine, une incompréhension. Et il faut parler avec eux quand on les rencontre quelque part, sur une piste, dans le désert ou autour du feu. Il faut les appeler frère, mari, sœur, père ou mère, les loups qui hurlent à notre porte. J’oserais dire que nous devons imaginer Celui qui vient, qui pousse à l’entrée de notre monde sourd et fermé, qui hurle sous nos fenêtres closes, comme ce loup errant, qui nous effraie, que nous refusons de voir et de l’appeler comme on appelle un frère trop longtemps absent, un fils perdu qui revient. La piste est longue, croyons-nous. Pas tant que cela, mes amis. Il reste peu de temps. Pour nous relever et tenir droits face au soleil.

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